Chateaubriand, Le Génie du Christianisme.

(1802)


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La mythologie, peuplant l'univers d'élégants fantômes, ôtait à la création sa gravité, sa grandeur et sa solitude. Il a fallu que le christianisme vînt chasser ce peuple de faunes, de satyres et de nymphes, pour rendre aux grottes leur silence, et aux bois leur rêverie. Les déserts ont pris sous notre culte un caractère plus triste, plus vague, plus sublime; le dôme des forêts s'est exhaussé; les fleuves ont brisé leurs petites urnes, pour ne plus verser que les eaux de l'abîme du sommet des montagnes: le vrai Dieu, en rentrant dans ses œuvres, a donné son immensité à la nature.

Le spectacle de l'univers ne pouvait faire sentir aux Grecs et aux Romains les émotions qu'il porte à notre âme. Au lieu de ce soleil couchant, dont le rayon allongé, tantôt illumine une forêt, tantôt forme une tangente d'or sur l'arc roulant des mers; au lieu de ces accidents de lumière, qui nous retracent chaque matin le miracle de la création, les anciens ne voyaient partout qu'une uniforme machine d'opéra.


Chateaubriand, Génie du Christianisme, traité en 4 parties, 1802, Seconde Partie, IV, chap. 1.


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